Friday, August 19, 2011

L’obsession d'un coureur avec l’heure

"This Runner's Obsession with Time" an English version can be found here

En regardant en arrière, je pense qu’une obsession avec l’heure m’a empêché de courir des marathons pendant presque 10 ans. Le tout parce que j’ai eu une amélioration de mon meilleur temps de marathon de 4 minutes et 30 secondes.

Maintenant que j’ai terminé mon premier ultra marathon en sentiers, j’ai eu une révélation et mon obsession avec l’heure est partie pour toujours. Soyez averti chers lecteurs, je vais radoter beaucoup à propos de l’ultra.

Voici comment ça s’est passé…

Août 1999 – Ville de Québec

C’est mon premier marathon. C’était le plus proche de chez moi car en 1999, le marathon de Montréal était en pause. Je me suis inscrit en février pour faire le marathon de New York et j’étais super nerveux, donc… pourquoi ne pas faire un marathon de “pratique” avant New York?

Même à cette époque, je voulais faire un chrono en bas de 4 heures. Ce n’était pas important que ce fût mon premier marathon. Ce n’était pas important je n’avais pas la moindre idée de ce que je faisais. J’allais essayer. J’ai donc frappé le “mur” à 32 km et j’ai marché et je me suis traîner jusqu’à la ligne d’arriver avec un temps de 4h21min6s. J’étais fou de joie d’avoir terminé un marathon mais lancinante dans ma tête était l'objectif d'aller en dessous de 4 heures.

Novembre 1999 – Ville de New York

Ok, ceci est mon VRAI marathon. Mon entraînement a très bien été depuis la ville de Québec. Je me sentais super bien. J’allais aller en dessous de 4 heures. Par contre, durant la course, quelque chose se passa. Le parcours de la course va par tous les arrondissements de la ville. Il commence à Staten Island ensuite à Brooklyn, Queens, Manhattan, Bronx et finissant à Manhattan au fameux Central Park. À chaque étape du parcours, il y avait des gens qui nous acclamaient. Je ne pouvais pas faire 5 pas sans avoir quelqu’un qui m’encourageait. Je souriais tout le long du parcours et j’ai me suis simplement mis à profiter de ce que je voyais et sentais. Résultat final : 4h6min1sec mais j’ai couru tout le long du parcours et je n’ai pas frappé ce cher “mur”. 

Mai 2000 - Ottawa

Ok… le “fun” est terminé. Les choses sont sérieuses maintenant. 6 minutes… Je suis capable d’enlever 6 minutes. Après un hiver doux et un entraînement sérieux, me voici à Ottawa. À cette époque, le parcours avait deux boucles. J’avais commencé tout feu tout flamme. Le demi était fait et j’avais un chrono de 1h51min45s. Mon rythme de course était de 5min30s par km et j’étais super content. Je savais que 5min40s était le rythme de course “magique” et je ne voulais pas frapper le “mur” durant la deuxième moitié donc j’ai commencé à 5min40s “savant” que j’avais une petite protection au cas où. Mais dès le début, je commençais à me sentir fatiguer. D’accord…je me dis… 5min50s par km et la moyenne est toujours bonne. Mais au fur et à mesure, je ralentissais. Je n’ai pas frappé le “mur” mais j’ai été ralenti juste assez. Résultat final: 4h03min2s. J’étais super souriant car J’avais fait un RECORD PERSONNEL mais le petit démon de 4 heures flottait encore dans mon esprit.

Septembre 2000 - Schroon Lake, NY

Veux-tu bien me dire à quoi je pensais? Personne ne m’a dit que les collines vont affecter ton temps de marathon. Schroon Lake était un parcours de petites routes de campagne, super beau paysage avec le gazouillis des oiseaux et quelques spectateurs occasionnels. Mes pensées à l’époque : Super marathon… temps de merde. 4h32min27s.

Août 2001 – Ville de Québec

L’hiver c’était le repos. Au printemps, je fais de l’entraînement de collines super sérieux au Mont Royal une fois par semaine. J’étais supposé faire le marathon à St Jean N.-B. mais “Ti-Coune” s’est trompé de dates en demandant ces vacances. Donc, à la dernière minute je me suis inscrit au marathon des Deux-Rives à Québec. Je connaissais bien le parcours. J’ai donc pris mon temps la première moitié, en conservant mon énergie pour la deuxième. Tout s’est passé super bien!! J’ai eu mon but!!  3h58min31s. Pour quelques semaines, je ne marchais plus… je dansais.

Mes priorités ont changé beaucoup autour de ce moment-là. J’avais atteint mon “objectif” et je n’étais plus motivé à courir. J’ai essayé de courir un peu ici et là mais la motivation n’y était plus.

Me voilà 10 ans plus tard, j’ai un peu de regret d’avoir délaissé la course. Je regarde “l’amélioration” que j’ai fait du mois de mai 2000 jusqu’au mois d’août 2001 et je vois 4 minutes et secondes seulement. Pffft … l’objectif d’être en bas de 4 heures semble presque insignifiant.

On avance rapidement… Juin 2009… je suis le “coach” de Pascal… son objectif: le demi-marathon. Il n’a jamais couru aussi loin. J’offre des conseils, des sites web… toute sorte de conseils. L’envie est de retour. J’enfile mes espadrilles et je me garoche dehors. À 215 livres, je suis beaucoup plus lent mais je réussi à perdre 30 livres en m’entraînant pour le demi-marathon en septembre 2009 aussi. Je termine en 2h16min27s. La motivation d’avoir complété le demi-marathon avec trois mois d’entraînement me motive à aller encore plus loin. 

Mai 2011 – Ottawa

On avance encore… mai 2011. Depuis octobre 2010, je m’entraîne avec le groupe Étudiants dans la course. (un projet qui encourage des jeunes sélectionnés de Montréal, à relever le défi de participer au Marathon Oasis de Montréal) À ce moment, j’adore courir. Avant je faisais tous mes entraînements seul et maintenant la plupart de mon entraînement se fait avec ce groupe de jeunes et mentors. C'est toute une nouvelle sensation. Je cours maintenant avec un sourire perpétuel.
Un groupe de mentors et moi-même nous rendons à Ottawa pour le pur plaisir. Dans mon cas, j’espère toujours que je peux toujours en finir un. Je suis un peu déçu de mon temps de 4h32min10s mais je suis très content de l’avoir terminé 10 ans après avoir terminé mon dernier. Il n’a fallu que quelques jours pour que le démon de 4 heures se pointe la face. Heureusement, grâce à la rencontre de François et être complètement dingue, nous nous sommes inscris les deux pour le Limberlost Challenge ultra marathon de 56 km en sentier traînant avec nous deux autres mousquetaires. (Donald et Yves)

Juillet 2011 - Limberlost Challenge – Muskoka Ontario.

Je n’avais aucune ‘cris’ d’idée dans quoi je m’embarquais. Le Limberlost se comporte de 4 boucles de 14 km qui se décrit en étant un parcours technique avec des collines. J’avais même consulté le graphique de dénivellation. Quelques collines ici et là d’une altitude de 60 mètres… pas si compliqué que çà…  J'ai découvert à ma propre manière ce que cela signifiait.

J’avais planifié le tout… j’ai fait un chiffrier avec le plan A : moins de 7 heures, le plan B : moins de 7h30 et au pire des cas… plan C : moins de 8 heures.

Plan A: 1st boucle: 6:45/km 2nd boucle: 7:00/km 3rd boucle: 7:30/km 4th boucle: 7:50/km
Pause de 4 minutes   me donne 06:59:10

Plan B: 1st boucle: 7:00/km 2nd boucle: 7:30/km 3rd boucle: 8:00/km 4th boucle: 8:30/km
Pause de 4 minutes me donne 07:26:00

Plan C : Je ne l’ai même pas écris. Je pensais que au pires des conditions, je pouvais faire çà… ERREUR!

Nous avons tous commencé à 8 heures le matin et après 1 km j’ai rencontré ma première colline. C’était bel et bien 60 mètres… complètement à la vertical. Ayoye!! Je me suis rendu au sommet et ensuite c’était 40 mètres en zigzag. En descendant j’essaye d’éviter les arbres, roches, racines et bien sur les autres coureurs. 3 km plus tard, ça commence à rentrer dans ma petite cervelle que ceci pourrait être un peu plus difficile que j’avais prévu. Il n’y avait presque aucune partie du parcours qui était droit et plat. Le parcours au complet montait au descendait en zigzag et je devais concentrer pour ne pas me fracturer quelque chose. Après deux autres collines comme la précédente, les quatre mousquetaires étaient séparés et même avec les 70 autres coureurs du 56 km et les 300 autres qui faisaient le 14, 28 et 42 km, la plupart du temps dans les bois j’étais tout seul. Il y avait deux stations d’aides sur le parcours mais cette boucle, je n’ai presque pas arrêté parce que ma ceinture contenait deux grandes bouteilles. (Du Heed et de l’eau). J’ai ‘explosé’ hors de ma première boucle après 1h52min34s… a peu près 8 min/km. En arrivant à la station d’aide de l’arrivé/départ, je trouvé Yves sur son départ. Je lui ai donné un ‘high five’ et il partit. Donald était déjà arrivé et parti et on avait perdu François. J’ai rempli mes deux bouteilles, mis de la bouffe dans l’estomac, embrasser mon épouse Julie et poof je suis parti pour la boucle #2.

En partant pour la boucle #2, j’avais encore des illusions de croire que 4 boucles avec moins de 2 heures chaque… l’objectif de moins de 8 heures était atteignable. Cette fois ici, je marchais en montant les collines et je volais en descendant. Je persistais à vouloir maintenir un rythme de 8 min/km même si la réalité ne concordait pas avec mes désirs. Çà été plus ou moins bien cette boucle, mais mes muscles étaient plein de douleur et la fatigue commençais à se faire sentir. J’ai finalement arrivé à la station d’aide à l’arrivé/départ avec 4h03min43s affiché à l’horloge. La réalité commençait vraiment à s’infiltrer dans ma tête.  J’avais complété 28 km en 4 heures et j’avais encore 28 km à faire et je ralentissais. J’avais une longue journée devant moi. Il était midi, 32 Celsius avec un humidex au dessus de 40. J’avais l’air terrible. (Selon Julie)  Je me suis rendu doucement à notre tente et je me suis assis pour changer mes bas, mettre de la nourriture dans mon estomac et mettre plusieurs couche de vaseline. (Je déteste quand çà frotte!!)

J’ai appris que Donald et venu et parti encore et Yves était assis à côté de moi me racontant que c’était fini pour lui. Il était très serein avec sa décision et maintenant en pensant au tout je pouvais voir qu’il s’inquiétait plus pour moi. Je pense que j’ai dit quelque chose comme prends encore quelques minutes avant de recommencer mais il c’était pas mal clair dans son esprit que la course était fini pour lui mais il était content avec sa décision. Après une pause de 15 minutes, un automatisme de quelque sorte m’a fait lever debout et j’ai murmuré, ‘Une autre boucle…’ en ayant aucune idée si j’allais me rendre à la première station d’aide. Je ne pouvais même pas visualiser la boucle en entier. Effectivement, je me suis rendu à la station d’aide en 40 minutes. J’ai mangé des fruits, chips and après avoir remercié tout le monde présent, je suis parti.

Le maniaque de mathématique en moi s’est mis à calculer mon rythme de marche versus le temps qui me restait. Ça ne se pouvait pas!! Même si je marchais cette boucle au complet je me rendais avant que 7 heures se soit écouler… le seuil où on arrêtait les participants de faire une dernière boucle. Ça ne se pouvait pas… mais après avoir vérifié les calculs dans ma tête durant les 20 prochaines minutes… c’était clair. Je me rendais à temps au seuil même si je marchais cette boucle ET je me rendais à temps au seuil de la fin de course même si je marchais la dernière boucle au COMPLET.

J’étais euphorique. À partir de ce moment, la course au complet n’était plus la même. J’ai commencé à regarder le paysage, je sentais les odeurs, toute la ‘cris’ d’expérience. À partir de ce moment chaque fois que je quelqu’un me demandait si s’allait… je répondais… “Absolument… Aujourd’hui je vais finir mon premier ultra!” Donc je marchais beaucoup, je courrais un peu et j’ai finalement terminé ma troisième boucle avec 6h44min3s. Je voyais Yves et Julie tout souriant et tous les deux criaient “Tu es arrivé avant le seuil… Tu es arrivé avant le seuil!! ”  Bien sûr à ce moment, je sautais partout criant moi aussi… “Je sais… je SAIS… je vais le finir… je vais le finir!!” Julie m’a dit plus tard qu'elle pensait que j'étais complètement délirant et elle cherchait le médecin.

Encore des couches de Vaseline…  (Est-ce que j’ai mentionné que je déteste quand çà frotte!!), encore de la bouffe, les bouteilles pleins de liquide froid et une nouvelle bouteille de gel. (J’avais vidé la première) Après à peine 5 minutes de repos, j’ai lâché un cri primordial, j’ai sauté en l’air prêt à terminer ma dernière boucle. Bien sur la bouteille de gel tombe par terre, j’ai l’air encore de “Ti-Coune” cherchant ma bouteille. Yves m’aida a replacé ma bouteille et j’étais parti… sans ma sortie dramatique voulu.

Finalement, je commence ma dernière boucle. Dès que mon pied toucha le sentier, je me rappelai des paroles de Donald notre collègue en sueur. “À partir de ce moment, tu es allé plus loin que aucune de tes autres courses. Tu es maintenant un coureur d’ultra.” “Je suis un coureur d’ultra!!!” Ce mantra m’a donné plus d’énergie que n’importe quel gel, nourriture ou eau. Cette dernière boucle était ma plus longue 2h36min44s soit 11 min/km. Ce fut une promenade de 50 min par stations d’aide et je n’ai pas vu une seule autre personne sur le sentier. Même en étant un des derniers sur le sentier, chaque station d’aide avec encore tout ce dont j’avais besoin ce que j’étais éternellement reconnaissant. Il est 3 heures en après-midi. Il fait 33 degrés. Nous avons commencé à 8 heures ce matin et ils ont encore de la glace! Je les admire tous ces bénévoles. J'ai essayé de dire à quel point je suis reconnaissant au monde pendant que je me goinfre de bouffe en les regardant remplir mes bouteilles. Même si cette boucle était ma plus longue, elle était aussi ma plus courte. J’étais en plein bonheur.
 
Je sors des bois, je cours la petite route de campagne pour la dernière fois et voilà la ligne d’arrivée et je m’en foutais totalement du temps sur l’horloge. J’avais terminé un ultra marathon. Donald, Yves et Julie ainsi qu’une bonne gang des autres participant criaient et m’applaudissaient. Finalement après 9h30min47s, c’était fini. It était 5 heures de l’après-midi et je l’avais terminé.

À peine capable de marcher, j’embrassais Julie, Donald et Yves. J’enlève mes espadrilles et ma ceinture et j’apprends que François lui aussi a réussi à rentrer avec le seuil. (Ici je vous invite à lire l’histoire de l’ultra de François à: http://flintland.blogspot.com/2011/07/unreal-story-of-my-first-ultra-marathon.html )

Moins de 15 minutes plus tard, le voilà. Encore plein d’énergie je cours le rencontrer à la ligne d’arriver et je le vois me dépasser en murmurant “ Je n’ peux pas m’arrêter… je n’ peux pas m’arrêter…” Finalement il trouve l’énergie de s’arrêter et je l’énergie pour aller le rejoindre. Des accolades se suivent. Nous nous sommes tous trouver comme des enfants rebondissant autour comme si c’était le début des vacances estivales.

La pure folie de cette course et le bonheur suprême de cette dernière boucle est toujours avec moi. Le weekend passé, au demi-marathon du Mont Tremblant avec les jeunes (et moins jeunes) d’Étudiants dans la course, le bonheur suprême était toujours présent. Tout notre groupe courrait en donnant des ‘high-five’ au policer. On sautait sur les camions des pompiers. On passait tout simplement un bon moment.

Peu importe si vous courez 5 km ou 50 km. Peu importe votre rythme de course. Profitez-en et soyez reconnaissant que ton corps vous permette de le faire. 

6 comments:

  1. très beau texte c'est inspirant et cela va surement m'aider pour le marathon, merci!

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  2. J'ai eu beaucoup de plaisir à le faire. On se verra à la ligne d'arrivée Pascal.

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  3. :D Nice, vraiment nice, quelle belle écriture !!
    Longue trotte a toi Gilles et merci (high five)

    Raymond

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  4. :-D @ Raymond. Merci beaucoup!!

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  5. @Flint C'est weird mettre en paroles la folie qu'on passe à travers quand on cours "camarade".

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